Contrôle des hauteurs et colonisation
La morphologie urbaine des colonies israéliennes en Cisjordanie nous donne des informations sur les stratégies d’occupation. Domination militaire, stratégie de fait accompli, volonté d’expansion :
Lorsqu’il a été mis en service, en juillet 1970 le barrage d’Assouan porte les aspirations d’un grand nombre d’agriculteurs égyptiens en proie aux crues imprévisibles du Nil et celles du président Nasser en quête de prestige.
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La civilisation égyptienne doit son existence au Nil. Sa vallée représente 4 % du territoire et 96 % de la population y vit. Le reste du pays est un vaste désert où les précipitations, inférieures à 100 millimètres par an, ne permettent aucune agriculture. Mais celui-ci est capricieux. Quand les crues étaient fortes les rives pouvaient s’effondrer et quand le Nil sortait de son lit, récoltes et habitations pouvaient être détruites. Quand elles étaient trop faibles, l’eau ne suffisait pas à irriguer tous les champs et une partie d’entre eux devait rester en friche. Pendant des millénaires, les dieux décidaient. C’est pour cela que les égyptiens construisaient des temples. En 1960 c’est Nasser qui décide. C’est pour cela qu’il construit un barrage.
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Avant de produire de l’électricité le barrage est surtout de réguler le débit. Il absorbe les crues qui se perdaient dans la Méditerranée et qui sont désormais stockée dans le lac Nasser et cette eau en rétention est disponible pour irriguer le bassin du Nil en période de sécheresse. L’ancien barrage d’Assouan, construit en 1902, pouvait retenir 5 milliards de mètres cubes d’eau. Celui-ci, qui mesure 111 mètres de hauteur et 3,5 kilomètres de largeur peut en retenir 165 milliards. C’est grâce au barrage que l’Egypte a échappé aux sécheresses et les famines qu’ont connu le Soudan et la région du Sahel entre 1984 et 1988.
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Ce projet a eu deux conséquences sur le paysage : une immense étendue d’eau au milieu du désert et l’apparition d’une nouvelle géométrie agricole. Selon l’institut statistique égyptien les surfaces cultivables auraient augmenté de 2,6 millions de feddans (un feddan = 0,41 hectare) entre 1953 et 1997. Une grande partie de ces hectares prennent la forme de champs circulaires à irrigation rotative.
Le lecteur n’est pas dupe, il sait qu’il y a un « mais ». Cette domestication du flux du Nil a un coût. Cette disponibilité en eau s’est accompagnée d’un excès d’irrigation qui a conduit à un appauvrissement et à un abandon d’une partie des terres. Et l’eau ne suffit pas à assurer la fertilité du Nil. D’abord le limon, agglomérat de sédiments charriés par le Nil depuis les volcans soudanais, qui s’était accumulé sur le pourtour du fleuve depuis des millénaires, était le terreau du Nil. Depuis la construction du barrage il reste coincé au fond du lac Nasser et la terre egyptienne s’appauvrit. Suivant le modèle occidental, l’Egypte a remplacé le limon par les engrais chimiques, au point de devenir l’un des plus gros utilisateurs du monde avec une moyenne de 319 kilos par hectares. En 1999-2000 l’Union Européenne refuse toutes importation de pommes de terres à cause de leur trop forte concentration en produits chimiques.
Par ailleurs, le Soudan souhaite construire un barrage en amont du Nil égyptien, qui provoque déjà des rivalités.
Inventée aux Etats-Unis en 1947, l’irrigation à pivot central, les « Green Circles » est emblématique de la culture en milieu aride, et en particulier au Moyen-Orient. Tout a commencé en 1979 quand une société française, la Société d’aide technique et de coopération (SATEC) signe un contrat pour implanter et cultiver 8 500 hectares de blé et de luzerne en Libye. Le contrat comprend le matériel, l’installation, les plantes et le management sur trois ans avec une garantie de rendements. Dès la première année la technique dite du « non-stop farming » dépasse les objectifs de 40 % pour atteindre 3 800 kilos par hectare, avec des pointes jusqu’à 70000 (comparé à 4 700 de moyenne en France en 1980). C’est aussi une entreprise française qui introduit la culture en rond en Arabie saoudite entre 1981 et 1983, dans le cadre de sa stratégie d’expansion agricole. Finir cette partie. Relier l’agriculture aux enjeux de puissance.
C’est une crue exceptionnelle du Nil, en 1996, qui a rappelé à Moubarak un projet que Nasser avait eu en construisant le barrage d’Assouan : utiliser la retenue d’eau du lac Nasser pour créer une oasis monumentale dans le désert. En 1997 les objectifs sont annoncés : augmenter les surfaces cultivées de 5% à 25% du territoire pour atteindre 225 000 hectares. Il s’agit de créer un nouveau delta du Nil pour nourrir une population en constante augmentation, atteindre l’indépendance alimentaire alors que le pays importe plus de la moitié de ses ressources alimentaires et conquérir des nouveaux espaces habitables où devra s’installer à terme 20% de la population. Car il faut rappeler que seule la vallée du Nil, c’est à dire 5% du territoire est habitée et que la densité de population du Caire est de plus en plus difficile à gérer. Ce projet devait en somme résoudre le problème démographique, alimentaire et le chômage, en créant tous les emplois liés à la future industrie agro-alimentaire de la région (1). Les travaux devaient être terminés en 2002, et la Nouvelle Vallée porter ses fruits en 2017.
Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Un canal de 310 kilomètres, une station de pompage monumentale, un ensemble de lacs non prévus et quasiment asséchés, et une surface cultivée équivalente à 10% de la surface prévue et opérées par seulement deux entreprises et une perte d’eau potable importante. En fait, les cultures demandent une quantité d’eau plus importante que le surplus du lac Nasser qui devait irriguer cette oasis, ce qui implique le forage des nappes d’eau fossiles. Par ailleurs, la construction du barrage de la Renaissance par le Soudan, en amont du Nil, compromet une grande partie des ressources espérées.
Ce projet est lié à un autre enjeu stratégique, celui de la stratégie de land-grabbing mené par l’Arabie saoudite et d’autres pays du Golfe pour faire face à l’échec de leur propre tentative de fertiliser leurs déserts et qui consiste à acheter des terres dans des pays étrangers pour conserver leurs ressources en eau. Ici, les terres leur ont littéralement été données : 50 livres égyptiennes le feddan, alors que le prix moyen est de 11 000 livres. L’eau consommée a été facturée, quand à elle 20 millions de livres alors que selon le prix du marché, elle aurait du atteindre les 420 millions (2).
1 Christophe Ayad, « L’Egypte voit son désert en vert. Le pharaonique projet Touchka prétend résoudre tous les problèmes », Libération, 27 novembre 1999
2 Nada Arafat et Saker El Nour, « How Egypt’s water feeds the Gulf », madamasr.com, 15 mai 2019
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