Contrôle des hauteurs et colonisation
La morphologie urbaine des colonies israéliennes en Cisjordanie nous donne des informations sur les stratégies d’occupation. Domination militaire, stratégie de fait accompli, volonté d’expansion :
« Tout à coup, on s’est retrouvés face à une immense barrière de sable impossible à franchir avec une voiture. Notre passeur nous a déposés en nous disant de marcher jusqu’à ce qu’on arrive au mur. Une fois escaladé, on était en Libye »(1)
L’ouverture du mur de Berlin laissait présager une décrue dans la construction de barrières. Pourtant la tendance des êtres humains à s’enfermer mutuellement n’a fait qu’augmenter. Depuis 1989, les Etats ont aligné 20 000 kilomètres de barbelés, de béton, de grillage, de sable, ou de trous pour empêcher la mobilité des êtres humains. Aujourd’hui on compte 66 murs qui séparent des Etats. 50 d’entre eux, pour une longueur totale de 18 000 kilomètres, ont été construits depuis l’an 2000, dont 19 au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, officiellement pour se protéger d’une menace militaire, contrer la contrebande et limiter l’immigration illégale.
Ces murs pérennisent, en les faisant apparaître physiquement, des frontières qui avaient été tracées par des puissances coloniales. Au mieux, celles-ci avaient été tracées dans l’ignorance des réalités démographiques et administratives locales. Dans de nombreux cas elles ont été tracées pour diviser volontairement des populations et faire cohabiter des minorités rivales, selon le principe « diviser pour mieux régner ». Un grand nombre d’entre eux ont été construits à la faveur de conflits post-coloniaux. En d’autres termes, ces murs entérinent la maldonne territoriale qui a généré ces conflits. La mécanique du conflit s’auto-entretient.
En creux, certains territoires comme la bande de Gaza ou les Territoires Palestiniens se retrouvent enfermés par les murs de leurs voisins.
Mur Irak-Arabie saoudite
Mur Irak-Arabie saoudite
Mur Irak-Arabie saoudite
Irak-Arabie saoudite
La barrière est constituée de deux grillages en métal de 4 mètres de haut fixés sur des poteaux métalliques en forme de Y couronnés de rouleaux de barbelés. Ces deux grillages sont espacés de 100 mètres. Entre les deux, une pyramide de barbelés d’1,5 mètres dotés de détecteurs de mouvements. Le côté saoudien est ponctué de miradors équipés de caméras thermiques et de radars. Les patrouilles en hélicoptère sont fréquentes.
Les relations diplomatiques avaient été rompues en 1990 après l’invasion du Koweït par l’Irak. La frontière est restée fermée pendant 30 ans. Ce n’est qu’en 2017, 14 ans après la chute de Saddam Hussein que le dialogue a repris. L’ouverture de cette frontière est, au-delà de l’amitié entre le premier ministre irakien et Mohammed Ben Salman, surtout motivée par le marché intérieur irakien dont l’agriculture et l’industrie sont ruinées depuis des décennies. Ainsi, les saoudiens peuvent vendre leurs produits en Irak et récupérer des parts de marché iraniennes. (2)
27.260186, 42.798402
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Syrie-Turquie
Le mur, long de 564 kilomètres est constitué de 300 000 blocs de béton préfabriqués de 2 mètres de large et de 3 mètres de haut en forme de Y, pesant chacun 7 tonnes et recouvert de fils barbelés.
Entre 1954 et 1991 la Turquie, appartenait à l’OTAN et la Syrie au camp soviétique. Pour sécuriser la frontière, les turcs ont posé environ 615 000 mines, créant un no-mans land de 200 000 hectares. En 2013 c’est pour se protéger des réfugiés syriens que la Turquie double ce champ de mine par la construction d’un mur, sensé être le troisième plus long du monde après la muraille de Chine et le mur entre les Etats-Unis et le Mexique.
Mur Turquie-Syrie
Mur Turquie-Syrie
Kurdistan Syrien – Kurdistan Irakien
Mur de barbelés équipé de caméras thermiques, de tours de surveillance et surveillé par des patrouilles régulières le long de la frontière.
La frontière a été dessinée en 1915 pendant des négociations secrètes franco-britanniques qui décidaient du partage de l’empire ottoman après sa défaite. Très grossièrement, les accords Sykes-Picot mettaient le nord de la Syrie, la région de Mossoul et le Liban sous l’influence française tandis que le Koweït, la Mésopotamie et la Jordanie étaient sous influence britannique. Le Traité de Lausanne de 1923 finissait de tracer les frontières avec le nouvel Etat turc.
La frontière s’est fermée à partir de 1982 après que la Syrie a soutenu l’Iran dans sa guerre contre l’Irak. Pendant l’invasion américaine de 2003 la frontière se réouvre, permettant d’une part à l’Irak de contourner l’embargo américain et d’autre part à des groupes armés syriens de mener une guérilla contre l’occupant. La frontière se referme au début de la guerre civile syrienne, en 2011. Pendant l’été 2014 l’Etat Islamique occupent les deux côtés de la frontière et proclament la « fin de Sykes-Picot » et une « Province de l’Euphrate », transfrontalière. L’effacement de cette frontière est l’un des objectifs principaux de Daesh. Son nom contient « Sham » qui fait référence à une ancienne province du temps du prophète, à cheval sur les deux pays.
En 2018 l’Irak érige le mur pour stopper l’infiltration de terroristes, de contrebandiers et de traficants d’armes et de bétail. A terme, le dispositif devrait s’étendre jusqu’à la frontière jordanienne.
27.260186, 42.798402
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Emirats Arabes Unis – Oman
Barres métalliques au sol surmontées d’une base en béton de 80 centimètres de haut sur laquelle s’élève un grillage de 2,5 mètres couronné de 40 centimètres de barbelés. Officiellement, elle a été construite pour combattre la contrebande, le terrorisme et l’immigration illégale.
27.260186, 42.798402
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Tunisie-Libye
Mur en sable de 2 mètres, suivi d’un trou de 3 mètres de profondeur et de 2 à 4 mètres de largeur partiellement rempli d’eau. Il s’étend sur 170 kilomètres (sur les 450 kilomètres de la frontière tuniso-libyenne), de la mer jusqu’à la zone militaire, en plein désert. Sa construction a commencé en 2015 après les attentats de Sousse, la Libye étant considérée comme un point de passage des terroristes.
La frontière est ancienne. Elle séparait déjà les zones de peuplement au Moyen Âge. Entre le 16e et le 18e siècle elle sert de ligne de démarcation entre les deux Etats et elle est officialisée en 1900 par les puissances coloniales, respectivement française et ottomane. Pendant la période coloniale française et italienne, cette frontière rassemblait plus qu’elle séparait parce que les résistants de chaque côté allaient trouver refuge dans les familles de l’autre côté de la frontière. On estime à 70 000 le nombre de Libyens établis en Tunisie entre 1911 et 1952 et à 52 000 le nombre qui a regagné leur pays par la suite, encouragés par l’indépendance de la Libye en 1952, la découverte du pétrole en 1958 et la révolution de 1969. C’est un lieu de contrebande et les populations y circulent.
Koweït – Irak
Le mur se présente sous la forme d’un talus de 3 mètres de haut, suivi d’un faussé de 4,60 mètres de profondeur et de largeur, visant à empêcher les chars d’assaut de traverser, le tout accompagné d’une barrière électrifiée de 3 mètres.
Cette frontière a été établie par une figure bédouine bien connue, le major-général anglais Percy Cox, dans le cadre du protocole d’Uqair en 1922-1923, qui avait défini les frontères de toute la sous-région. Le Koweït n’a été autorisé à jouer aucun rôle dans le tracé des frontières.
Le mur a été construit après l’invasion de l’Irak en 1990. Il s’étend sur toute la frontière et est entouré d’une zone-tampon étable par l’Onu.
Mur Koweit Irak
Mur Koweit Irak
Jordanie – Syrie
Grillage fixé sur des poteaux en métal surmonté de rouleaux de barbelés. La barrière comprend des miradors équipés de radars, une route de patrouille et des passages réguliers d’hélicoptères.
27.260186, 42.798402
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Ceuta-Maroc
Barrière métallique inclinée de 6 mètres de haut équipée de barbelés sur la partie supérieure et inférieure. La barrière est suivie de 4 mètres de no mans land équipés de capteurs de mouvements et de sons, puis d’une barrière de 3 mètres de haut, un espace vide de 3 mètres recouvert de sable pour identifier les traces de pas, une autre barrière de 6 mètres et un couloir de patrouille. Ces barrières sont équipées de systèmes d’éclairage de forte puissance et de caméras thermiques. Des gardes équipés de gaz lacrymogènes et d’armes automatiques patrouillent le long de la frontière. Elle vise officiellement à limiter l’immigration illégale et la contrebande.
Le mur a été érigé lorsque l’Espagne a rejoint l’Union Européenne car l’exclave de Ceuta devenait un point de contact direct entre un Etat européen et l’Afrique. C’est pour cela que le projet, entamé en 2001, a été en partie financé par l’Union Européenne. En septembre 2005, 5 personnes sont mortes à la frontière en tentant de traverser.
27.260186, 42.798402
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Arabie saoudite – Yémen
Mur de 3 mètres qui prend la forme d’un pipe-line métallique rempli de béton sur le tronçon occidental et une barrière de sable de 3 mètres de haut sur le reste de la frontière. Il est équipé d’un système de détection automatique de mouvements. Ce mur est officiellement anti terroriste et anti-infiltration.
Commencée en 2003 la construction s’est interrompue au bout d’un an suite aux protestations yéménites et a repris dix ans plus tard à la faveur du coup d’Etat au Yémen. La frontière a été tracée dans les années 1930 par un certain Sheikh Abdullah, qui s’est révélé être Hary John Philby, espion, explorateur et ornithologue britannique. Ce n’est qu’en 2000 que la frontière a été officialisée par un traité entre les deux pays. Les tensions latentes entre les deux Etats et les contestations des tribus locales ont provoqué l’tablissement d’une zone démilitarisée de 20 kilomètres de chaque côté de la frontière et la construction du mur.
27.260186, 42.798402
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Rémi Carayol & Laurent Gagnol, « Ces murs de sable qui surgissent au Sahara », Le Monde Diplomatique, Octobre 2021
Theo Deutinger, Handbook of Tyranny, 2017, Lars Müller, 160 pages
AFP, « La frontière entre l’Irak et l’Arabie saoudite rouvre après trente ans de fermeture », Le Monde, 18 novembre 2020.
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